NODSLEDGE Épisode 1 – Aluminium vs Polymère : Une comparaison pratique

Quand on parle de systèmes de vision nocturne, l'attention se porte généralement sur l’optique, les fonctionnalités ou l’autonomie de la batterie. Pourtant, un aspect crucial est souvent négligé : le matériau de la structure. Que l’appareil soit utilisé dans un contexte militaire, professionnel ou indépendant, sa capacité à résister aux chocs, à maintenir le collimatage optique et à être réparé sur le terrain dépend directement du matériau dont il est constitué. Faut-il privilégier le faible coût et la légèreté du polymère, ou la fiabilité mécanique de l’aluminium ?
Nous avons abordé cette question de manière pragmatique, en nous basant sur une utilisation réelle sur le terrain.

Une BNVD 1431, cassée au niveau de la charnière lors d’opérations sur le front ukrainien. Crédit : Nikita Bordeniuk – @patriotoptic sur Instagram


Lorsque nous avons conçu la Proton Lite, l’objectif initial était de créer un boîtier de vision nocturne simple, low-tech, riche en fonctionnalités et facilement réparable sur le terrain. Pour le choix des matériaux, nous avons opté pour de l’aluminium 7075‑T6 de qualité aérospatiale, sélectionné pour sa résistance exceptionnelle, sa rigidité et sa capacité à supporter les contraintes mécaniques sur le long terme.

Au-delà des avantages structurels de l’aluminium, ce matériau nous a permis d’ajouter deux fonctionnalités supplémentaires au produit :

  • Des pièces indépendantes avec un design sans soudure, permettant des remplacements sur le terrain sans outils spécialisés. Le pont se compose essentiellement de cinq pièces principales : les deux charnières, les ensembles avant et arrière du pont, ainsi que le bouton / bouchon de batterie.
  • Une architecture interne où le boîtier lui-même fait partie du circuit électrique, supprimant le besoin de câblage et réduisant les points de défaillance potentiels.

Cette approche augmente certes la complexité de fabrication et le coût par rapport aux boîtiers en polymère, mais nous faisons tout notre possible pour maintenir un prix compétitif, comparable à celui d'autres boîtiers d’entrée de gamme.

Lorsqu’il s’agit de choisir un système de vision nocturne, le matériau structurel n’est pas un simple détail : il influence directement la durabilité, la stabilité de l’alignement optique et la fiabilité en conditions difficiles.

De nombreuses jumelles de vision nocturne, qu’elles soient d’entrée de gamme ou haut de gamme, utilisent souvent du polyéthylène haute densité renforcé de fibres de verre (HDPE-GFRP). Ce matériau est léger, moulable et peu coûteux à produire, ce qui le rend particulièrement adapté aux grandes séries dans le cadre de programmes d’approvisionnement militaires bénéficiant d’une logistique de remplacement bien rodée. Cependant, en matière de durabilité, le HDPE-GFRP n’égale pas les performances de l’aluminium.

En termes purement mécaniques, l’aluminium présente un avantage notable : la limite d’élasticité.

Il s'agit de la contrainte maximale qu’un matériau peut supporter avant de se déformer de manière permanente, sans retrouver sa forme initiale. Le HDPE-GFRP présente une limite d’élasticité comprise entre 19,0 et 82,7 MPa, tandis que l’aluminium 7075-T6 affiche une limite d’élasticité allant de 430,0 à 780,0 MPa. Même en prenant la valeur maximale pour le HDPE et la minimale pour l’aluminium 7075-T6, ce dernier reste plus de 5 fois plus résistant

En plus de cela, l’aluminium est également beaucoup plus rigide et ne se déforme pas aussi facilement.

Les boîtiers en plastique ont naturellement tendance à être moins rigides que ceux en aluminium.

Qu’est-ce que cela change concrètement dans un cas d'utilisation réelle ?

Cette flexibilité des boîtiers en plastique entraîne des déformations, ce qui peut compromettre le collimatage optique, notamment après un choc ou une pression prolongée. Dans les pires cas, le boîtier peut même se fissurer ou se casser. Sur les systèmes de vision nocturne articulés, le point de défaillance le plus fréquent est généralement la charnière.

Un autre boîtier en polymère, cette fois une binoculaire Theon Sensors. Cassée une fois de plus au niveau de la charnière. Crédit : Nikita Bordeniuk – @patriotoptic sur Instagram

Bien sûr, l’aluminium est également plus lourd que le plastique, mais grâce à des choix de conception intelligents, il est possible d’obtenir un boîtier de poids équivalent, voire plus léger que certains produits en polymère.

Dans les situations où les utilisateurs n’ont pas accès à une logistique fiable, ou financent leur équipement eux-mêmes, un boîtier en aluminium n’est pas un luxe, c’est un choix rationnel.